Le métier d'agent de bord fait rêver bien des gens. Mais la profession est-elle aussi glamour qu'avant? Même si le visage de l'aviation a bien changé avec les années, les agents de bord prennent toujours autant plaisir à parcourir le globe, si l'on en croit les témoignages que nous avons recueillis. Toutefois, pour profiter de tous les avantages, il faut travailler dur...

Louise Lefebvre: Une vie dans les airs

Agente de bord pour Air Transat

Pratique le métier depuis: 1985 (chez Air Transat depuis 1987)

Prochain vol: Málaga, en Espagne

L'année dernière, cela a fait 30 ans que Louise Lefebvre a été embauchée chez Air Transat, dans la toute première cohorte de la compagnie aérienne. Depuis ce temps, le métier a fait beaucoup de millage... mais jamais autant qu'elle, à 30 000 pieds dans les airs!

Comment en êtes-vous arrivée à pratiquer ce métier?

C'est vraiment par hasard! Une amie avait vu une annonce dans le journal, comme quoi ils cherchaient des agents de bord chez Québecair [qui n'existe plus maintenant]. Alors j'ai appliqué, tout simplement. Même si j'avais déjà voyagé, ce métier n'était pas nécessairement dans mon plan de match... mais finalement, dès le début, j'ai adoré. J'avais 21 ans quand j'ai commencé, j'en ai 55 maintenant et j'aime encore ça autant qu'au début.

Au cours de toutes ces années, qu'est-ce qui a le plus changé?

Je dirais qu'on est beaucoup plus soutenus par nos employeurs et qu'on a davantage de latitude. Quand j'ai commencé à voler, par exemple, les passagers buvaient et fumaient dans les avions. J'ai vraiment connu ces années-là! Aujourd'hui, on peut refuser de donner de l'alcool et on est appuyés quand quelqu'un est agressif. Aussi, lorsqu'un passager est malade à bord d'un avion, on a des systèmes dont on ne disposait pas avant. Ça m'est arrivé il y a deux semaines, j'ai parlé à des médecins dans des tours de contrôle [grâce au système MedLink] parce que j'avais un passager qui était malade... D'ailleurs, tout cela va de pair avec la modernisation du système d'aviation en général.

Est-ce toujours autant un plaisir de voyager, même après toutes ces années?

Oui, assurément. Dès qu'il y a une nouvelle destination, c'est une grande joie d'y aller et de l'explorer. Les agents de bord, on est des dictionnaires ambulants. On connaît le meilleur restaurant à bon prix, les meilleures boutiques, où aller marcher, quoi explorer...

Y a-t-il des destinations que vous faites plus souvent que d'autres?

Ça change quand même, mais je vais en Europe à l'année. Je fais parfois des allers-retours vers le Sud, mais peu. C'est par choix, évidemment! J'ai une bonne ancienneté, donc je suis arrivée à un temps de ma vie où je peux aller où je veux, choisir les vols, les dates, les destinations, les heures, alors pour moi, c'est un plaisir, que j'ai bien gagné!

Avez-vous une bonne anecdote à raconter?

J'ai un grand garçon de 25 ans qui est copilote chez Transat. C'est une affaire de famille chez nous, parce que son père est pilote aussi! Le 3 décembre dernier, on a eu la chance de voler tous les trois ensemble pour la première fois. On pense que ça ne s'est jamais vu en Amérique du Nord. Les passagers trouvaient ça extraordinaire, et nous aussi!

Le métier d'agent de bord comporte également un important aspect de sécurité. Avez-vous déjà vécu une situation d'urgence?

Au tout début de ma carrière, alors que ça faisait seulement deux mois que je travaillais, j'ai eu à faire une évacuation d'urgence. C'était à Wabush, au Labrador, avec Québecair. Au décollage, il pleuvait très fort et il y a un goéland qui est rentré dans un moteur, donc on n'a pas réussi à décoller. Le commandant a perdu le contrôle, et l'avion est parti dans les marécages. Finalement, les pompiers sont arrivés, et l'évacuation s'est tout de même bien passée. C'était très stressant, surtout parce que je commençais et que je n'avais pas d'expérience, mais ça m'a très bien formée! J'ai appris plein de choses, que je partage encore parfois avec des équipages aujourd'hui, parce que ce n'est pas quelque chose qu'on vit souvent... Ça m'a rendue plus solide, peut-être dans mon innocence de la vingtaine! Et aujourd'hui, on est beaucoup mieux préparés qu'avant.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Louise Lefebvre travaille chez Air Transat depuis 1987.

Cindy Landry: Le beau hasard

Agente de bord pour Air Canada

Pratique le métier depuis: 1997

Prochaine destination: Vancouver

Lorsqu'on la rencontre, Cindy porte le tout nouvel uniforme d'Air Canada, son troisième depuis qu'elle a commencé dans le métier! Impeccablement coiffée, elle a l'air toute jeune, mais il ne faut pas s'y fier, car elle exerce la profession depuis déjà plus de 20 ans.

Comment en êtes-vous arrivée à pratiquer ce métier?

Ce n'était pas dans mes plans. Je suis allée à l'entrevue avec ma soeur, qui était étudiante à l'université. Elle m'a dit: «Je ne veux pas y aller toute seule, je veux que tu viennes avec moi. Air Canada, ça paraît bien sur un CV. Il faut que tu aies l'air professionnelle, alors attache tes cheveux!»

La première entrevue s'est bien passée, autant pour elle que pour moi. À la deuxième entrevue, on m'a demandé de faire un examen médical... mais pas elle. Elle était un peu déçue, mais aujourd'hui, elle est devenue avocate ! Et elle peut profiter des bénéfices parce qu'elle est de la famille directe. Mais c'est vraiment grâce à ma soeur que j'ai trouvé ma carrière. J'avais 19 ans à ce moment-là.

Qu'est-ce que vous aimez le plus dans votre profession?

Chaque vol est différent, les passagers changent, les membres de l'équipage ne sont pas toujours les mêmes, on a de nouvelles destinations aussi. Mais ce que j'aime le plus, c'est le contact humain. Je ne me serais pas vue travailler dans un bureau pendant 30 ans à côtoyer les mêmes personnes. Oui, ça peut être le fun, mais j'aurais trouvé ça long.

Et le passager marabout, est-ce que c'est un mythe?

Ça arrive, mais c'est rare. Et quand ça arrive, il y a toujours une raison, le passager n'arrive pas à bord frustré pour rien. Peut-être qu'il n'a pas eu une bonne journée au bureau, qu'il n'a pas obtenu son contrat, qu'il ne pourra pas être à la maison pour Noël ou qu'il y a eu un décès dans sa famille... Mais il y a toujours une façon de régler la situation quand, en parlant avec le passager, on comprend pourquoi. De toute façon, en général, les gens sont contents : soit ils reviennent à la maison, sinon ils partent en vacances...

Avez-vous de bonnes anecdotes à partager?

Ça m'est déjà arrivé de prendre des vedettes pour des collègues de travail... et même une fois, c'était quelqu'un de la famille royale! Maintenant, quand on n'est pas certain, on va regarder sur les listes de passagers.

Aussi, les gens ont le droit d'emmener leur animal de compagnie en vol. Ceux-ci doivent toutefois être gardés en tout temps dans une cage de transport. Alors, une fois, j'étais en avant de la cabine pour la vidéo de démonstration de mesures d'urgence et j'ai vu quelque chose de blanc passer très vite. C'était le chien d'un passager, qui était sorti de son sac! Il est passé entre mes jambes et je l'ai finalement rattrapé pour le ramener au propriétaire. Ça, ç'a été la chose la plus drôle qui me soit arrivée.

Vous restez en général 24 heures sur place pour les vols outre-mer. Est-ce que c'est difficile parfois de choisir entre aller visiter ou se reposer?

Pendant les escales de 24 heures, on a le temps de faire une activité dans la ville, si on veut. Mais parfois, le sommeil prend le dessus. C'est important, il faut être alerte. Le passager n'a pas envie de voir un agent de bord pas souriant et fatigué. C'est un travail physique, on n'arrête pas: changer le rouleau de papier de toilette, faire le service d'eau, répondre à l'appel d'un passager ou faire chauffer un biberon...

Vous avez deux enfants de 7 et 10 ans. Comment se passe la conciliation travail-famille avec un métier comme le vôtre?

Mon conjoint est pompier à Montréal, donc il a un horaire atypique comme le mien. On a le luxe d'être là chaque jour pour les enfants. Je demande des journées de congé opposées à lui, pour qu'il y ait toujours un parent à la maison. Mais quand je pars, je ne reviens pas le soir. Il faut qu'il se débrouille. La vie continue... Mais ça fonctionne, on peut faire ce métier et avoir une vie de famille, même quand son conjoint aussi a un horaire atypique!

Photo Ivanoh Demers, La Presse

Cindy Landry, agente de bord pour Air Canada

Nicolas Samson: La tête de l'emploi

Directeur de vol et agent de bord pour Air Transat

Pratique le métier depuis: 2010

Prochain vol: vers l'Angleterre

Au cours de sa carrière comme agent de bord, Nicolas Samson a fait une pause d'un an pour travailler dans les bureaux de Transat, les deux pieds au sol. Mais il est vite retourné dans les airs... «Ça me manquait un peu de souper à Paris!», soupire-t-il.

Comment en êtes-vous arrivé à pratiquer ce métier?

J'étais quand même jeune quand j'ai été engagé chez Transat, j'avais 19 ans. J'étais au cégep en sciences humaines et je ne savais pas exactement vers où me diriger ensuite. J'avais quand même voyagé beaucoup, parce que je faisais du ski acrobatique avec Mikaël Kingsbury et les soeurs Dufour-Lapointe! J'ai eu un flash un jour, j'ai regardé sur l'internet et j'ai vu que Transat engageait. C'était la dernière journée pour envoyer le CV et je me suis dit que j'allais essayer. Ça s'est passé assez vite après, j'ai eu les entrevues, on m'a sélectionné et c'est là que l'aventure a commencé. Une fois que j'ai embarqué, j'ai vraiment tripé!

Qu'est-ce que vous aimez le plus dans votre profession?

C'est les horaires, parce qu'on peut vraiment les choisir. On reçoit toujours nos horaires environ un mois à l'avance, pour un mois complet. On a quand même beaucoup de journées de congé. Ce qui est agréable, c'est qu'on peut aller faire l'épicerie en plein milieu de la semaine et il n'y a personne!

Aussi, j'aime le fait de voyager et que ça ne coûte rien. On est toujours logés au centre-ville, on va visiter les lieux... Tout ce côté-là est vraiment agréable.

Donc, c'est vrai que les agents de bord voyagent beaucoup, encore aujourd'hui?

Oui. Mais c'est sûr que la réalité, chez Transat, c'est qu'on suit le marché. Donc l'hiver, on fait beaucoup plus d'allers-retours vers le Sud. Par contre, si on est chanceux, on peut rester 24 heures ou 48 heures à destination.

Tandis que pour l'été, on fait une transition vers nos vols de l'Europe. À ce moment-là, on a toujours des escales, parce que sinon, les journées seraient trop longues. En général, c'est 24 heures. On va beaucoup à Paris, tellement qu'on appelle ça notre chalet! Quand on arrive, on fait une petite sieste de trois heures pour essayer d'absorber le décalage, et ensuite on se rejoint en gang à la réception pour se trouver un bon restaurant, puis visiter un peu. Après, on se recouche et on repart le lendemain.

Avez-vous de bonnes anecdotes à raconter?

On en a des drôles, mais on ne peut pas tout raconter! Une chose qui arrive très souvent, c'est quand les gens cherchent les toilettes. Dans les murs, on a des petits compartiments de deux pieds sur deux pieds avec une petite serrure. Les passagers tirent là-dessus en pensant que c'est la porte des toilettes, mais bien sûr ils n'arrivent pas à l'ouvrir! Parfois, on leur dit en blague: «Si vous êtes capable de rentrer dans cette porte-là, on n'en reviendra pas!» Après, on leur montre les vraies toilettes, mais ils n'arrivent pas toujours à ouvrir la porte, même si c'est une poignée bien normale. Parfois, les gens sont juste nerveux en avion et ils sont un peu désorientés.

Qu'est-ce qui est le plus difficile dans votre métier?

Moi, je le gère assez bien, mais beaucoup d'agents ont de la misère avec le décalage, surtout quand on va en Europe. Certains ne sont pas capables de dormir et se réveillent au milieu de la nuit, puis ils passent plusieurs heures debout. Quand on se retrouve dans le hall de l'hôtel pour partir pour le vol, c'est la question qu'on se pose tout le temps: «Et puis, as-tu bien dormi?» 

Aussi, c'est un emploi assez physique. On fait beaucoup de manipulations, les objets sont lourds, on doit souvent se pencher, faire des squats, il faut rester en forme! Et comme tout le monde le sait, les allées sont étroites, et parfois les passagers y mettent leurs jambes ou leurs coudes, donc on doit se promener de droite à gauche... En blague, on appelle ça la danse des hanches!

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Nicolas Samson, agent de bord chez Air Transat depuis 2010, est tombé rapidement en amour avec son métier. «Une fois que j'ai embarqué, j'ai vraiment tripé», a-t-il dit.

Comment devenir agent de bord?

Les agents de bord sont rigoureusement formés en mesures d'urgence. «Notre travail numéro 1, c'est la sécurité», résume l'agent de bord Nicolas Samson. Si les compagnies aériennes offrent leurs propres formations, il existe aussi des écoles pour s'initier au métier.

Les compagnies aériennes

Les compagnies aériennes comme Air Canada et Air Transat offrent une formation complète. Il n'est donc pas obligatoire d'être passé par une autre école au préalable. Elles couvrent autant le service à la clientèle que les mesures d'urgence et la sécurité.

Les collèges

Deux collèges privés offrent la formation d'agent de bord au Québec: April-Fortier et Sigma. Situés tous les deux à Montréal, ces établissements dispensent une formation similaire à celle donnée par les compagnies aériennes et préparent les candidats à présenter leur candidature.

http://www.april-fortier.com/

http://collegesigma.ca/

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Au-delà de servir le traditionnel jus de tomate, les agents de bord doivent être formés rigoureusement en mesures d'urgence.